Croire c’est essentiel, mais…
Croire, c’est ce qui nous permet de grandir avec un cadre, aussi instable puisse-t-il être parfois. En tant qu’enfant, nous croyons les figures parentales et d’autorité, avec tous les biais cognitifs que cela implique.
C’est dans notre enfance que nous commençons à écrire notre « scénario de vie », un concept développé par Eric Berne, le père de l’Analyse Transactionnelle : « Un scénario est un plan de vie inconscient élaboré dans l’enfance, renforcé par les parents, justifié par les événements ultérieurs et culminant dans un choix privilégié. » (1)
Ainsi, les croyances sur nous-même, sur les autres et sur le monde trouvent leur origine dans la manière dont nos différentes figures parentales, nos parents en premier lieu, nous transmettent consciemment et inconsciemment, leurs propres croyances. Des croyances dans lesquelles se trouvent notamment, le degré de confiance qu’ils s’accordent, qu’ils accordent aux autres et au monde extérieur.
Dans le cadre du scénario qu’élabore l’enfant se trouve alors également, la confiance qu’il peut s’accorder, accorder aux autres et au monde extérieur. Croire est donc fondamental, car cela constitue notamment, les bases de ce sur quoi nous allons nous construire.
Nous croyons nos parents, parce que nous leur accordons notre confiance. Ils nous permettent de définir ce cadre de référence qui nourrit notre besoin de structure. Et si ce n’est pas le cas, nous répondrons à ce besoin d’une autre manière.
Les raisons de croire sont depuis longtemps l’objet de nombreuses recherches. « L’action de croire peut-être d’abord comprise comme l’expression d’un manque temporaire de données, et souvent, un pis-aller devant la complexité des phénomènes que nous tentons d’appréhender. » (2)
Dans les moments de doute, comme celui que nous avons vécu avec la pandémie, notre perte de contrôle et l’incertitude qui prévalaient favorisent la perte de repères. Dans un moment comme celui-ci plus que jamais, nous avons besoin de croire, de nous raccrocher à quelque chose. C’est là que les choses se compliquent.
En 1950, l’économiste Herbert Simon écrit sur la rationalité individuelle, nous invitant à la remettre en question au regard de nos contraintes dans l’acquisition de nos connaissances. Vingt ans plus tard, les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie en 2002) et Amos Tversky illustrent, dans des travaux à la portée majeure, l’approche de Simon par ce qu’ils nomment : biais cognitifs.
Dans le Grand dictionnaire Larousse de la Psychologie, en 1991, le psychologue Jean-François Le Ny donne la définition suivante : « Un biais est une distorsion (déviation systématique par rapport à une norme) que subit une information en entrant dans le système cognitif ou en sortant. Dans le premier cas, le sujet opère une sélection des informations, dans le second, il réalise une sélection des réponses. »
Les biais influencent donc nos croyances, mais aussi nos raisonnements, nos comportements et la manière dont nous prenons nos décisions. Pour faire simple, une part non négligeable de ce que nous croyons est donc, partiellement au moins, faux.
« Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, mais tel que nous sommes. »3
Dans l’infographie ci-dessous, Buster Benson et John Manoogian III détaillent l’ensemble des biais cognitifs identifiés. Et comme vous pouvez voir, ils sont extrêmement nombreux.
Les biais trouvent leur origine dans quatre types de besoins.⁴
1 « La nécessité de faire le tri. »
Notre cerveau préfère la simplicité. Aller droit au but sans s’encombrer des détails lui convient bien davantage que de tout étudier dans le détail. Ainsi filtrons nous la grande majorité des informations qui nous parviennent. Notre cerveau choisit donc automatiquement celles qui lui semble pouvoir nous être utiles.
« Nous ne voyons pas tout. Et certaines des informations que nous écartons ou filtrons sont en fait utiles et importantes. »
J’ai trop d’infos, alors je filtre sans même m’en rendre compte !
2. « La nécessité de savoir de quoi nous souvenir, ou pas. »
En faisant le tri, notre cerveau ne cesse de faire des compromis et de décider ce dont nous allons ou non nous souvenir. Dans la masse d’informations disponibles, nous en prenons certaines et ignorons les autres afin de gérer l’excès et de nourrir notre besoin de donner du sens.
« Notre mémoire renforce les erreurs. Une partie des choses dont nous nous rappelons le plus tard, rend les systèmes cités ci-dessus encore plus biaisés et plus dommageables pour nos processus de pensée. »
Je ne garde que l’essentiel, en tout cas ce que mon cerveau juge comme essentiel, et nous verrons bien, ou pas, s’il a bien fait.
3. « La nécessité d’agir vite. »
Face à la masse d’informations et au temps dont nous disposons, il nous faut agir vite. Ainsi, à chaque fois qu’est à notre disposition un nouveau lot de données, nous devons être capable d’évaluer notre capacité à réagir à la situation. Cela peut aussi nous conduire à modifier nos choix et à revoir nos points de vue. « Les décisions rapides peuvent être complètement nulles. Certaines des conclusions sur lesquelles nous sautons sont injustes, égoïstes et contre-productives. »
Pas de temps pour trainer, je fonce directement à la conclusion. Vite fait, bien fait (ou pas).
4. « La nécessité de donner du sens. »
Dans ce monde complexe, l’infime partie que nous sommes en mesure de saisir doit avoir un sens afin de nourrir notre besoin de structure et nous permettre de survivre. Avec les informations que nous avons assimilées (avec les biais que cela implique), nous avons une trame que nous complétons en comblant les blancs. Notre modèle n’est donc qu’un infime reflet de la réalité. Ce qui a du sens pour nous, n’est vous l’avez compris, pas nécessairement le reflet de la réalité. Il s’agit de notre interprétation de cette réalité.
Alors, nourrir ainsi nos besoins a de nombreux avantages, en particulier celui de renforcer notre propre vision du monde, mais nous conduit également à faire bien des raccourcis malheureux.
Pour éviter la confusion et de perdre le fil de mon raisonnement, je comble les vides… avec des éléments qui peuvent être plus qu’approximatifs voire totalement faux.
Mieux vaut tenir debout en équilibre instable, qu’être accroché dans le vide !
Ainsi, les travaux des chercheurs en sciences comportementales mettent en évidence la réalité. La manière dont nous traitons l’information est tronquée et, le mot est approprié, biaisée. Ce que nous pensons de nous-même, des autres et du monde est très souvent au mieux, approximatif. « Notre quête de sens peut générer des illusions. Nous imaginons parfois des détails qui ont été placés là par nos suppositions et construisons des intentions et des histoires qui n’existent pas vraiment. » (4)
Comme l’écrit Eric la Blanche « …presque tout ce qui parvient à notre conscience est déformé, amplifié ou minimisé, dénigré ou vanté, voire nié ou carrément mensonger. » (5)
Que diriez-vous d’identifier parmi les trois segments ci-dessous, le plus petit d’entre eux ?
Vous l’avez ? Pourtant, ils sont d’une taille parfaitement identique.
« Pour bien comprendre les biais cognitifs, nous pouvons dire qu’ils sont – dans une certaine mesure – je le répète à notre jugement ce que les illusions d’optique sont à notre vision. » (5)
Voyons maintenant quelques biais, représentatifs des quatre besoins
1) Le besoin de faire le tri :
Le biais de confirmation
Il s’agit de notre tendance à sélectionner les informations qui viennent confirmer ce que nous croyons déjà, nos idées préconçues, nos opinions, et peu importe qu’elles soient vraies. En parallèle, nous rejetons ou sommes hermétiques à celles qui les contredisent ou s’y opposent. C’est ce qui nous incite à côtoyer des personnes qui pensent comme nous, ou à lire des informations qui nous ressemblent. Ce faisant, nous renforçons plus encore notre biais de confirmation d’hypothèse et notre confiance en des informations sur les personnes et les choses qui sont loin d’être toujours exactes.
Ce biais cognitif peut représenter un véritable danger dans tous les domaines, comme dans celui des organisations ou en politique. L’exemple récent le plus remarquable est sans doute celui de Donald Trump, persuadé d’avoir été volé de sa victoire aux élections présidentielles américaines. Ni lui ni personne n’est pourtant à ce jour, parvenu à apporter le moindre début de preuve à cette croyance. Cela n’a semble-t-il en rien remis en question son sentiment, pas plus que celui de bon nombre de ses partisans.
Le biais de la tâche aveugle
Le biais de la tâche aveugle est aussi appelé biais de l’angle mort de polarisation. Il nous conduit à considérer que nous sommes moins victime des biais cognitifs que les autres. C’est donc celui de nos préjugés. Difficile de remettre en doute nos propres perceptions, alors que nous pouvons être convaincus de l’impartialité des autres par le jugement que nous portons à leur comportement.
Cela nous conduit donc parfois à nous trouver objectif, mais pas les autres ! C’est la source de bien des conflits puisque chacun peut camper longtemps sur ses positions.
Emily Pronin et Justin Kruger, en 2007 (6) mettent en lumière le fait que nous accordons plus d’importance à nos pensées qu’à nos comportements, alors que nous avons tendance à faire l’inverse pour les autres. Bien que lisant tout ce que je trouve sur les faits, la rationalité et les biais cognitifs depuis quelques années, je n’en suis par définition pas à l’abri. Nous avons tous des biais, et ce malgré les efforts que certains d’entre nous faisons pour ne pas tomber dans les pièges qu’ils nous tendent.
L’effet d’humour
Avec l’effet d’humour, également appelé l’effet Wow, nous retenons mieux une information si elle est présentée sous forme humoristique, et peu importe qu’elle soit juste ou non. Pour l’illustrer, prenons cette citation bien connue :
« Femme au volant, mort au tournant ».
Vous la connaissez celle-là ? Nous la connaissons tous. Son aspect sexiste et faussement humoristique en a facilité la mémorisation, et nous conduit, le mot est approprié, à la considérer.
Elle n’est pourtant basée sur rien de concret. Pour l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) en 2018, dans 82% des accidents mortels, le conducteur est un homme.
Le biais cognitif de cadrage
Il décrit le fait que nos décisions sont influencées par la manière dont elles nous sont présentées. Imaginez qu’un bateau de croisière avec 1000 passagers s’apprête à sombrer. Vous pouvez sauver une partie d’entre eux. Décidez-vous d’en sauver 400 ou de laisser 600 d’entre eux se noyer ?
A priori (mais le fait que vous lisiez un article sur les biais cognitifs vous a peut-être invité à réfléchir d’une manière non intuitive), vous préférez « sauver » et passer pour un héros, que « laisser se noyer » et passer pour un monstre, alors que le résultat est exactement le même. Dans ce cas comme souvent, nos émotions prennent le dessus, et c’est souvent là que nous oublions de raisonner. Le savoir permet de rester vigilant.
2) Le besoin de nous souvenir
Le biais de disponibilité
Ce biais est aussi appelé heuristique (méthode fournissant rapidement une solution, pas forcément appropriée) de disponibilité. Il consiste à préférer les informations disponibles immédiatement dans notre mémoire. Or vous vous souvenez, notre cerveau cherche la facilité, et les informations sur le haut de la pile de nos souvenirs ne sont pas toujours les bonnes.
Les attentats du World Trade Center ont marqués, à très juste titre les esprits. Ils ont cependant conduit de nombreuses personnes à considérer l’avion comme un moyen de transport dangereux. En raison de cette information, un nombre non négligeable de ces personnes, habituées aux transports aériens, a préféré la voiture. Or la voiture est un moyen de transport proportionnellement plus accidentogène que l’avion, et ce biais a vu une augmentation momentanée des morts sur la route.
Ainsi pour faire face à leur peur, bien des conducteurs qui auraient voyagé en avion en toute sécurité, sont décédés en voiture.
Les intox dont nous sommes submergés sur Internet (infox), nous conduisent par ce biais à considérer les préjugés comme une valeur sûre. Les informations qui nous sont directement accessibles sont souvent biaisées vous l’avez compris.
Le biais de statu-quo
Il désigne une résistance au changement. C’est ce qui conduit parfois, des personnes qui m’appellent pour envisager une session de coaching, à finalement faire marche arrière. Ici, le changement pourtant souhaité auquel conduirait un accompagnement, génère la peur. Il mène à préférer rester dans sa situation plutôt qu’envisager le meilleur.
Il s’agit d’un moyen de minimiser les pertes, au risque de ne pas avoir ce que fondamentalement nous souhaitons. Certains d’entre nous peuvent passer des années, avant de faire le pas, s’ils le font, vers ce qui est espéré. L’expression « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » en est une parfaite illustration.
Effet de simple exposition
Plus je suis exposé (par n’importe lequel de mes sens) à une personne, à un objet ou à un stimulus, plus je vais développer un sentiment positif à son sujet. Nous considérerions ainsi, sans que cela soit forcément pertinent, ce qui est familier comme moins dangereux.
C’est probablement pourquoi nous nous encombrons d’objets inutiles et pas toujours jolis, mais que nous n’imaginons pas donner ou jeter tant nous y sommes habitué. Il s’agit aussi de ce qui peut nous amener à considérer comme sympathique, une personnalité politique souvent présente dans les médias, même si ses idées ne sont pas les nôtres.
Le biais rétrospectif
Sur la base des travaux du psychologue américain Baruch Fischhoff (7) il décrit notre tendance à surestimer la prévisibilité d’un évènement, à posteriori. Il s’exprime quand nous déclarons sûr de nous : « Je le savais ! »
Comme autre exemple, imaginez un couple entrant dans une pâtisserie. En voyant sa compagne choisir une tarte au citron, le mari s’exclame : « J’étais sûr que tu prendrais ça. » Aimant aussi la religieuse et le cookie au chocolat, mais aussi l’éclair au café et le Paris-Brest, rien pourtant ne pouvait prédire son choix.
Ce biais cognitif nous amène à ne pas prendre conscience de l’ensemble des autres scénarios qui auraient, tout autant pu se produire. En le couplant avec le biais de disponibilité expliqué plus haut, il est aisé de comprendre qu’un évènement qui s’est produit, et donc factuel, est directement accessible à notre mémoire.
3) Le besoin d’agir vite
L’effet Barnum, ou effet Forer
Il trouve son origine dans une étude réalisée en 1949 (7). Le psychologue américain Bertram Forer recopia un texte issu de la rubrique Astrologie d’un magazine, puis le distribua à ses étudiants sans leur dire qu’ils avaient tous le même. Il leur demanda ensuite d’estimer avec une note allant de 0 à 5, si les informations étaient révélatrices de leur personnalité. La note moyenne obtenue fut alors de 4,2/5.
L’effet Barnum est la tendance à se retrouver personnellement dans une description tout aussi générale et positive que vague. Elle s’illustre particulièrement dans notre appréciation de notre thème astral, qui comporte toujours une part nous correspondant. Une personne à la recherche de réponses est particulièrement vulnérable à ce biais.
Par exemple : je lis que la sensibilité, la créativité, la difficulté à s’adapter aux autres et dont le sens de l’humour est souvent considéré comme décalé, sont souvent le propre des personnes à haut potentiel. Je peux alors considérer que j’en suis une.
Il ne s’agit pourtant là que de quelques caractéristiques très générales pouvant s’appliquer à beaucoup d’entre nous, et pas seulement aux personnes à haut potentiel. Pourtant, cette brève définition peut me donner l’impression de trouver enfin une réponse aux questions que je me pose sur mes difficultés du moment. Le seul moyen de valider cette impression serait alors de passer le test de QI, ce que je peux juger inutile et surtout ne pas souhaiter en raison du biais de confirmation évoqué plus haut.
L’effet Dunning–Kruger
Il est le résultat du travail à la fin des années 90 des psychologues américains David Dunning et Justin Kruger (9). On le nomme également l’effet de surconfiance. Il conduit les personnes les moins qualifiées dans un domaine à surestimer leurs compétences. Souvent évoqué lors du traitement des informations au sujet de la crise sanitaire actuelle, il s’illustre quand des personnes sans compétence sur le sujet, donnent avec beaucoup d’assurance leur avis sur le virus ou son traitement.
Il s’est aussi illustré avec une déclaration de Donald Trump, encore lui : « En fait, dans ma vie, mes deux plus grands atouts ont été l’équilibre mental et le fait d’être, genre, vraiment intelligent » Je l’écrivais plus haut : il n’existe à ce jour qu’un seul et unique moyen de déterminer le QI d’une personne, c’est le test officiel, certainement pas sa propre impression du sujet.
Le biais d’auto-complaisance
Il s’agit là de la tendance à considérer que nos réussites sont de notre fait, et le reflet de nos compétences ou de nos connaissances, alors que nos échecs sont la faute de causes extrinsèques, les autres ou les circonstances. C’est un moyen de nous déresponsabiliser, et souvent la cause de la multiplication de nos échecs.
Dans ce cas notre cerveau, encore lui, nous conforte dans notre zone de confort (d’inconfort ?). J’ai réussi mon examen et c’est bien logique, j’avais travaillé et puis je suis bon dans ce domaine. Si cependant j’ai échoué, il est possible que je considère avoir été dans un mauvais jour, avoir été dérangé, ou alors qu’il s’agit quand même de la faute à pas de chance !
L’effet Ikea
Ce biais nous incite à considérer ce à quoi nous avons consacré le plus de temps et/ou d’énergie, une valeur qui peut être disproportionnée. Le meuble du nom de la marque jeune et bleu que j’ai assemblé de mes mains, acquiert systématiquement plus de valeur à mes yeux que le même objet acheté tout fait. Et cela, même s’il me reste dans la main quelques vis !
Le fait d’avoir passé des nuits blanches à rédiger mon rapport ne lui donne pas nécessairement pour autant, davantage de valeur. Savoir faire marche arrière, renoncer, abandonner malgré les efforts produits, est parfois la meilleure chose à faire. C’est notamment valable dans le monde du travail comme dans celui du sport.
4) Le besoin de donner du sens
Le biais de halo
Ce biais nous incite à juger une situation, une personne ou une marque, sur la base de notre première impression. C’est souvent là que nous faisons confiance à notre intuition. Pourtant les études récentes en sciences cognitives nous montrent à quel point elle est souvent la source de décisions absurdes. Là aussi, le biais de confirmation se met ensuite en place. Il nous invite à rester aveugle à des informations qui seraient contradictoires avec cette première impression.
Il est ce qui peut nous conduire à considérer une personne chauve et avec des lunettes (comme moi par exemple), comme plus intelligente. Je le suis peut-être, mais je vous invite à ne pas vous arrêter à ces seules informations pour en juger.
C’est aussi vrai pour Georges Clooney. Le fait que ce soit, incontestablement un beau mec, ne veut rien dire sur sa faculté à juger de la qualité d’un café. Les publicitaires savent parfaitement comment utiliser l’effet de halo pour nous faire acheter leurs produits. Bien entendu, il fonctionne aussi à l’inverse, considérant que nos impressions négatives d’une personne ou de quelque chose, sont représentative de leur ensemble.
La loi de Murphy
Elle nous vient de l’ingénieur aérospatial américain Edward A. Murphy, qui l’énonça de la manière suivante : « Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal. » Pour certains d’entre nous, elle est une réalité conduisant à s’approprier le pessimisme renforcé par le biais de confirmation. Elle peut cependant être considérée comme une règle dont nous devons tenir compte quand nous envisageons un projet.
Il permet d’anticiper, d’envisager toutes les possibilités et notamment, de prévoir la marche à suivre. En particulier pour le cas ou justement, les choses tourneraient mal. Visualiser l’improbable est le meilleur moyen d’y faire face, sur la base des solutions proposées pour les différentes situations pouvant survenir.
Parmi les explorateurs polaires que j’ai eu la chance d’accompagner comme coach, il est généralement entendu qu’il est possible de prévoir 95% environ de ce qui va réellement se produire dans l’environnement inhospitalier des pôles. Se préparer à y répondre, permet alors, dans la grande majorité des cas, de rester en vie.
L’erreur d’attribution fondamentale
L’erreur fondamentale d’attribution nous incite à considérer le comportement d’une personne comme représentatif de sa personnalité. Il a été illustré en 1977 par le travail du chercheur Lee Ross. Dans son étude, il a mis en lumière le fait que nous considérons celui qui pose des questions comme généralement plus cultivé que celui qui répond. C’est pourquoi ce biais est aussi appelé l’effet Julien Lepers.
Ainsi, nous oublions que le comportement n’est pas la personne. Tenir compte du contexte et du hasard est fondamental. Le méchant d’un film ne l’est pas forcément dans la vie, même si son rôle nous conduit à le détester. Il en est de même à l’inverse bien sûr.
Le biais de conformité
Aussi appelé syndrome de Panurge, le biais cognitif de conformité illustre notre penchant à suivre instinctivement les autres, et notamment leur avis afin de nous intégrer socialement. C’est d’autant plus vrai quand nous hésitons sur le bon comportement à adopter. Comme l’a écrit le philosophe américain Eric Hoffer « Quand les gens sont libres de faire comme ils veulent, ils s’imitent généralement entre eux ».
En 1951, le psychologue Salomon Asch réalise une expérience démontrant le pouvoir du conformisme. Son hypothèse est la suivante : Un individu est susceptible de faire sien un jugement qu’il sait contraire au bon sens, à la réalité et cela sans que quiconque n’ait à délivrer la moindre récompense ou punition. (10)
Il y invite des étudiants de 17 à 25 ans, parmi lesquels tous sont complices, sauf un, à réaliser un test de vision. Assis face à plusieurs affiches, il leur demande d’estimer la longueur de plusieurs lignes. Les étudiants doivent alors désigner quelle est la plus courte d’entre elles, puis lesquelles sont de même longueur. Au début, à six reprises, les complices donnent tous la bonne réponse, mais au cours des douze autres, ils indiquent une mauvaise réponse.
Ash explique que la personne qui n’est pas informée du subterfuge, fût dans un premier temps surpris des réponses des autres. Puis elle devint hésitante quant à ses propres réponses. Son expérience conclut que la grande majorité des sujets répondent juste quand ils ne sont pas soumis à une influence extérieure. Cependant, dans 38,6% des cas, ils se conforment aux mauvaises réponses soutenues par les autres membres du groupe. 75% des personnes, suivent la mauvaise réponse une fois au moins.
Il est intéressant de noter qu’il suffit de deux personnes, dont un complice, pour que le résultat de l’hypothèse se manifeste. En revanche si dans un groupe, un des complices a pour mission de donner la bonne réponse alors que les autres donnent la mauvaise, le sujet testé se range plus facilement du côté de celui qui donne la bonne réponse. Faire front au groupe à deux, semble alors bien plus évident. Ce biais est également illustré dans cette vidéo étonnante ici.
Tout cela dresse un tableau assez sombre. Il peut dans certain cas rendre notre vie compliquée, et peut-être plus encore celle des autres. Pourtant, l’humain que nous sommes dispose d’une surprenante capacité d’adaptation et de changement. Certains d’entre nous commencent leur vie avec un bagage qui peut être lourd à porter. Il peut même s’alourdir encore avec le temps pour notamment, les raisons évoquées ici. Heureusement, ce n’est pas immuable.
Vous aimeriez en parler lors d’une session de coaching, alors écrivez-moi ! Notre premier échange ne vous engage à rien.
A suivre…
Renaud
Pour aller plus loin :
A voir :
– La chaine Youtube La tronche en biais
– Comment les biais cognitifs trompent notre cerveau
A lire :
« Rationalité » – Steven Pinker – Les Arènes – 2021
« Stop aux biais cognitifs » Cerveau & Psycho – Thema – Novembre 2021
« Vous allez commettre une terrible erreur » – Olivier Sibony – Flammarion – 2019
« Stop aux erreurs de décision » – Vincent Berthet, David Autissier – Ems Management Et Societes – 2021
« Pourquoi votre cerveau n’en fait qu’à sa tête » – Eric la Blanche, Pascal Gros – Editions First – 2020
Quelques-uns de mes livres sur les croyances et les biais cognitifs
(1) « Que dîtes-vous après avoir dit bonjour ? » Eric Berne (1976) pour l’édition originale
(2) « Savoirs, opinions, croyances » Guillaume Lecointre – Editions Belin (2018) – Page 93
(3) Emmanuel Kant (1724 – 1804), mais cette citation ne lui est pas toujours attribuée
(4) Traduction des travaux de Bendon et Manoogian III par Damien Delbèque, Fabien Longeot, Thomas Guiot, Arnauld de la Grandière, et Giliane Claire – Atelier médiation et critique – atelier-mediation-critique.com
(5) « Pourquoi votre cerveau n’en fait qu’à sa tête » – Eric la Blanche – First Editions (2020) – page 25
(6) « Valuing thoughts, ignoring behavior: The introspection illusion as a source of the bias blind spot. »Pronin, E., & Kugler, M. B. (2007) Journal of Experimental Social Psychology, 43(4), 565–578.
(7) « The fallacy of personal validation: a classroom demonstration of gullibility. » Forer, B. R. (1949). The Journal of Abnormal and Social Psychology, 44(1), 118–123.
(8) Hypothesis evaluation from a Bayesian perspective – B Fischhoff, R Beyth-Marom – Psychological review, (1983)
(9) « Journal of Personality and Social Psychology » « Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One’s Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments »,77, no6
(10) Bond, Rod, and Peter B. Smith. « Culture and conformity: A meta-analysis of studies using Asch’s (1952b, 1956) line judgment task. » Psychological bulletin 119.1 (1996) : 111.